On se propose de répondre aux questions posées :
- Que peut-on saisir en interprétant ?
- Quels sont les principes méthodologiques de l'interprétation ?
- Quel est le statut épistémologique des résultats de l'interprétation ? En particulier quels sont les modes de validation d'une interprétation ?
- Qu'est-ce qui ne relève pas (dans une discipline donnée) de l'interprétation ?
En adoptant le point de vue d’une didacticienne de la littérature amenée à construire une modélisation de la compréhension et de l’interprétation valide dans le champ de la scolarité élémentaire (et au-delà, sans doute).
Cette modélisation a été construite à la fin des années 90 contre les représentations et injonctions officielles de l’époque (compréhension assimilée à la saisie de la littéralité, interprétation rejetée hors du possible) avec pour objectif d’expliciter les raisons, les enjeux et les moyens d’une initiation précoce à la lecture littéraire et d’argumenter la nécessité d’entreprendre une « quasi-dyslexie des habitudes de lecture ».
Ce modèle, qui articule les principaux apports des théories de la réception littéraire, remet cependant en cause leur conception hiérarchisée de la compréhension et de l’interprétation ainsi que leur opposition, liée, entre lecture heuristique et lecture herméneutique. A partir d’une redéfinition des deux opérations dont il inverse l’ordre, il pose que la (une) compréhension est la finalité de tout acte de lecture et l’interprétation un moyen pour y parvenir.
On en conclut que, si l’on veut « apprendre à comprendre », on ne peut le faire que sur des textes qui posent des problèmes de compréhension et qu’on ne peut qu’apprendre à interpréter. On développera la distinction centrale faite entre réticence et prolifération (qui est parfois une conjonction), entre problèmes de compréhension et problèmes d’interprétation et l’on posera l’existence de deux types d’interprétation.
Si l’interprétation est élection d’une (ou plusieurs) solutions parmi des possibles alors elle peut être mise en débat.
On s’interrogera sur le « débat interprétatif », innovation majeure issue de la modélisation et reprise par les programmes officiels de 2002, ce qu’il est et n’est pas (distinction entre débat délibératif et débat spéculatif), le type de lecteur qu’il convoque (distinction entre lecteur-modèle et lecteur empirique), les limites respectives des droits du lecteur et des droits du texte, la part et la place de la subjectivité, les manières dont se construisent des hypothèses recevables, leur mode de validation, le statut épistémique des hypothèses validées devenues « interprétations », étant entendu que l’école ne saurait en aucun cas faire allégeance à la lecture « méthodique », rhétorique et figée en usage dans le secondaire.
On se demandera enfin quelles sont les conditions (et les difficultés) d’un bon arbitrage magistral dans cette communauté interprétative singulière qu’est une classe. A l’aide du concept de paradigme emprunté à Kuhn et repris par Bayard (qui parle de « paradigme intérieur » et de « livre intérieur », livre intérieur irréductible au livre intérieur de tout autre lecteur), à l’aide aussi des réflexions de Eco dans Les limites de l’interprétation et de la notion de communauté interprétative telle que définie par Fish, on se demandera comment à partir des interprétations multiples et singulières construites par les jeunes lecteurs, qui ne sont pas interprétations différentes de l’objet lu mais construction d’objets différents, l’on peut néanmoins espérer construire un « livre intérieur » ou « textus receptus » collectif et en amont une posture collective issue d’un protocole intériorisé.Une mauvaise nouvelle : le professeur Fagot-Largeault (collège de France) ne pourra finalement pas se joindre à nous le 1er décembre.
Et une bonne nouvelle : une journée d'études en juin est en cours d'élaboration...des infos ici-même en début d'année prochaine...bonnes fêtes de fin d'année à tous, et à très bientôt !