jeudi 26 novembre 2009

Catherine Tauveron et l'interprétation en didactique de la littérature

Pour cette dernière séance, c'est Catherine Tauveron qui a accepté de se confronter aux questions du séminaire !


On se propose de répondre aux questions posées :

  1. Que peut-on saisir en interprétant ?
  2. Quels sont les principes méthodologiques de l'interprétation ?
  3. Quel est le statut épistémologique des résultats de l'interprétation ? En particulier quels sont les modes de validation d'une interprétation ?
  4. Qu'est-ce qui ne relève pas (dans une discipline donnée) de l'interprétation ?

En adoptant le point de vue d’une didacticienne de la littérature amenée à construire une modélisation de la compréhension et de l’interprétation valide dans le champ de la scolarité élémentaire (et au-delà, sans doute).

Cette modélisation a été construite à la fin des années 90 contre les représentations et injonctions officielles de l’époque (compréhension assimilée à la saisie de la littéralité, interprétation rejetée hors du possible) avec pour objectif d’expliciter les raisons, les enjeux et les moyens d’une initiation précoce à la lecture littéraire et d’argumenter la nécessité d’entreprendre une « quasi-dyslexie des habitudes de lecture ».

Ce modèle, qui articule les principaux apports des théories de la réception littéraire, remet cependant en cause leur conception hiérarchisée de la compréhension et de l’interprétation ainsi que leur opposition, liée, entre lecture heuristique et lecture herméneutique. A partir d’une redéfinition des deux opérations dont il inverse l’ordre, il pose que la (une) compréhension est la finalité de tout acte de lecture et l’interprétation un moyen pour y parvenir.

On en conclut que, si l’on veut « apprendre à comprendre », on ne peut le faire que sur des textes qui posent des problèmes de compréhension et qu’on ne peut qu’apprendre à interpréter. On développera la distinction centrale faite entre réticence et prolifération (qui est parfois une conjonction), entre problèmes de compréhension et problèmes d’interprétation et l’on posera l’existence de deux types d’interprétation.

Si l’interprétation est élection d’une (ou plusieurs) solutions parmi des possibles alors elle peut être mise en débat.

On s’interrogera sur le « débat interprétatif », innovation majeure issue de la modélisation et reprise par les programmes officiels de 2002, ce qu’il est et n’est pas (distinction entre débat délibératif et débat spéculatif), le type de lecteur qu’il convoque (distinction entre lecteur-modèle et lecteur empirique), les limites respectives des droits du lecteur et des droits du texte, la part et la place de la subjectivité, les manières dont se construisent des hypothèses recevables, leur mode de validation, le statut épistémique des hypothèses validées devenues « interprétations », étant entendu que l’école ne saurait en aucun cas faire allégeance à la lecture « méthodique », rhétorique et figée en usage dans le secondaire.

On se demandera enfin quelles sont les conditions (et les difficultés) d’un bon arbitrage magistral dans cette communauté interprétative singulière qu’est une classe. A l’aide du concept de paradigme emprunté à Kuhn et repris par Bayard (qui parle de « paradigme intérieur » et de « livre intérieur », livre intérieur irréductible au livre intérieur de tout autre lecteur), à l’aide aussi des réflexions de Eco dans Les limites de l’interprétation et de la notion de communauté interprétative telle que définie par Fish, on se demandera comment à partir des interprétations multiples et singulières construites par les jeunes lecteurs, qui ne sont pas interprétations différentes de l’objet lu mais construction d’objets différents, l’on peut néanmoins espérer construire un « livre intérieur » ou « textus receptus » collectif et en amont une posture collective issue d’un protocole intériorisé.

Une mauvaise nouvelle : le professeur Fagot-Largeault (collège de France) ne pourra finalement pas se joindre à nous le 1er décembre.

Et une bonne nouvelle : une journée d'études en juin est en cours d'élaboration...des infos ici-même en début d'année prochaine...bonnes fêtes de fin d'année à tous, et à très bientôt !

mardi 10 novembre 2009

Javier LeGris et l'interprétation en philosophie de la logique

Deux jours après l'intervention d'Anne deCrémoux, nous nous retrouvons pour une lecture de Javier LeGris , même salle, mêmes heures, sur les types d'interprétabilité du langage, réflexions menées à partir des travaux d'Hintikka sur la question.

On the ineffability of semantics

Based on a distinction drawn by Jean van Heijenoort in order to explain some phenomena in the history of symbolic logic, Jaakko Hintikka differentiated two main philosophical conceptions of language: language as universal medium and language as calculus. Moreover, he found in these conceptions an ultimate presupposition of 20th century philosophy - not only of the analytical tradiction but also of the continental and hermeneutical one. Husserl, Frege, Wittgenstein, Tarski, Quine, Heidegger and Gadamer among others presupposed one conception or the other.

According to the universalistic point of view, there is only one language, the language we use, and we cannot escape of it. Their semantic relations are presupposed in it and we cannot change them. So we cannot step outside language and examine its relations to the world. According to the contrary view of language as calculus, we are not prisoners of the language, so that we can get outside from it and analyse its own semantics; we can also vary its interpretation. In this sense, language is like an uninterpreted language. Now, Hintikka argues that the universalistic view leads to the impossibility of semantics: meaning and truth cannot be completely grasped in the language as a whole (ordinary or formalized); the meanings of the expressions of our and only language cannot be defined in that language itself. He refers to this situation as the ineffability og semantics.

In this talk, I intend to provide an account of Hintikka's thesis, comparing it with the original distinction by van Heijenoort, and I will discuss it in relation to ordinary and formalized languages. Finally, I will try to show some ways out from this situation. In fact, we can accept the idea of a unlimited and inexhaustible language, which cannot be fully analyzed. However, we can take fragments of this language, and their semantics can be studied by means of the rest of the language, so that it can be reinterpreted. In this cas, the language would be transformed in a calculus in Hintikka's sense.

Anne DeCrémoux et l'interprétation en philologie hellénistique

AKOUSATE, AKOUSATE ! Mardi prochain, même salle, mêmes heures, c'est Anne DeCrémoux que nous aurons le plaisir d'entendre sur certains problèmes d'interprétation liés à sa pratique de traduction de textes d'Aristophane [consultables en ligne à partir du résumé ci-dessous d'un simple clic sur le titre de l'œuvre]

Interprétation et cuisine de la traduction :
Le cas des noms parlants
dans la Comédie Grecque Ancienne


Le but de cette intervention est d'aborder quelques problèmes posés par la traduction dans son lien inévitable avec l'interprétation, et leurs conséquences sur l'activité concrète du traducteur. Nous nous appuierons sur le cas particulièrement difficile de la Comédie Ancienne, telle que nous la connaissons par l'œuvre d'Aristophane.

Une première partie de ce séminaire sera consacrée à la présentation des questions concernant les liens entre interprétation et traduction, en nous concentrant progressivement sur la comédie attique de la première période : problèmes qui se posent de manière générale dès qu'il s'agit de passer d'une langue à l'autre ; dans le cas de la traduction d'une oeuvre antique ; dans le cas plus spécifique encore d'une pièce du théâtre grec classique, avec ses conditions sociologiques particulières ; enfin, problèmes posés par la traduction d'un texte comique, écrit pour un public dont le "rire n'est pas le notre". Ces débats mettent surtout au jour des obstacles et posent la question de l'intraduisible : nous verrons quelques unes des options alors choisies par les traducteurs pour y faire face. Il ressort souvent de ces discussions l'idée qu'il existe des types généraux de traduction, opposés deux à deux, idée dont la pertinence sera à évaluer.

Dans un second temps, nous aborderons très concrètement un exemple particulier, le cas des noms propres dans les premières comédies d'Aristophane (Les Acharniens, Les Cavaliers et Les Nuées) et les choix que doit faire le traducteur, en fonction - ou non - des questions théoriques qu'il s'est posées. Après avoir précisé les enjeux, nous verrons comment dans deux cas de noms "parlants', celui des noms réels et celui des noms fictifs, les traducteurs ont travaillé, en s'efforçant d'effectuer des choix conformes à un projet général, mais contraints, souvent, de faire une cuisine au cas par cas.

Nous travaillerons sur des passages des textes grecs, qui seront également donnés en translittération pour les non hellénistes, et sur des échantillons de leurs traductions.

mercredi 4 novembre 2009

Axel Bühler et l'interprétation en herméneutique

La semaine prochaine, c'est le professeur Axel Bühler (Düsseldorf, Allemagne) que nous serons heureux d'entendre sur le thème suivant :

The testability
of Hermeneutical Hypotheses

Hypotheses of an important type within the interpretation of discourse and text deal with the intentions and beliefs guiding the production of discourse and text. Such hypotheses can explain various properties of the discourse or text to be interpreted. In my lecture, I examine how hypotheses of this knid can be subjected to empirical testing.
Hypotheses about authors' intentions and belief are singuler hypotheses about specific authors and their specific circumstances, as opposed to universal hypotheses. I proceed from general aspects of singular hypotheses and get more specific with every step.
I start with an abstract discussion of severe and, additionally, critical tests of singular hypotheses. then I talk about the testing of singular hypotheses regarding mental states such as intentions and beliefs. In the third part I look at some methods of testing hypotheses regarding authorial intentions. I conclude with the analysis of some objections against the possibility of testing hypotheses about authors' intentions and beliefs.

mardi 3 novembre 2009

Feriel Kaddour et l'interprétation en musique et en musicologie

Aujourd'hui, nous avons eu l'immense plaisir de recevoir Feriel Kaddour pour une intervention, illustrée par une très belle analyse musicale d'œuvre, sur :

Le geste interprète :
Ce que l'art de jouer du piano nous apprend de la lecture des partitions

D'un musicien, on dit qu'il joue une œuvre ou qu'il l'exécute ; mais le plus souvent, on dit qu'il l'interprète. C'est de cette proximité entre herméneutique et réalisation instrumentale qu'il sera question : on interrogera le lien qui se noue entre le jeu musicien (implication du corps et de ses techniques, relation à l'instrument, statut de l'intuition) et la lecture réflexive des partitions (mise en œuvre du sens, compréhension des formes). La particularité de l'interprétation musicales vient aussi de ce qu'elle s'exerce selon une temporalité spécifique - celle de l'oeuvre déployant sa forme - et que toute formulation de pensée, toute élaboration de sens, ne prend musicalement consistance qu'à condition de s'exporter dans le présent actif mais nécessairement fragile et singulier du jeu musicien. De cette réflexion, on conclura à une herméneutique qui se place sous le signe du faire autant que de la pensée. On mettra cette conclusion à l'épreuve d'un exemple, la réalisation d'un point d'orgue dans la Sonate pour piano D960 de Schubert, que l'on illustrera par trois interprétations différentes (Kempff, Kissin, Ciorcarlie). Au terme de cette analyse, on tentera de définit ce qu'est le statut de l'interprétation musicales : son statut en regard de l'oeuvre écrite, ses limites, ce qui permet de juger de sa justesse ou ce qui à l'inverse permet d'en dénoncer les erreurs, sa capacité à faire sens.

Pour ceux qui n'auraient pu assister à cette présentation, sachez que le 7 décembre prochain, Feriel Kaddour soutiendra sa thèse sur 'le geste musical' (notion de geste mimé comme notion-pivot pour penser pratique interprétatice de la pianiste et pratique interprétatice de la musicologue dans une unité). Cette soutenance aura lieu au conservatoire de Lille, en compagnie d'un(e) musicien(ne) qui se fera l'interprète en direct des morceaux choisis...restez informés !

jeudi 29 octobre 2009

Bouquet d'automne

Étant donnée la densité :
- des modifications dans le programme
- du nombre d'interventions ce mois de novembre

Un petit récapitulatif ne s'avérera sans doute pas superflu :

Feriel Kaddour (ENS, Paris) 3 novembre
Musique et musicologie
"Le geste interprète : ce que l'art de jouer du piano nous apprend de la lecture des partitions"

Axel Bühler (Düsseldorf) 10 novembre
Herméneutique
"Investigating and confirming the hypotheses of interpretation
"

Anne De Cremoux (STL, Lille 3) 17 novembre
Philologie hellénistique
"Interprétation et cuisine de la traduction :
Le cas des 'noms parlants' dans le cas de la comédie ancienne"

Javier LeGris (CEF/CONICET, Buenos Aires) 19 novembre
Philosophie de la logique
"On the ineffability of semantics"


Catherine Tauveron (Institut de la recherche pédagogique, Rennes) 24 novembre
Didactique de la littérature
"L'interprétation littéraire : des sources théoriques à une modélisation didactique"


Novembre à Lille 3 sera interprétatif ou ne sera pas !

Mais ce bouquet ne sera pas final : un projet de journée d'études en juin est en train de prendre chair...davantage sur le sujet ici-même sous peu...restez informés !!

mercredi 21 octobre 2009

Séance reportée !

Attention : en raison d'une grève nationale des transports et étant donnée la fréquence basse des trajets ClermontFerrand-Lille, l'intervention de Catherine Tauveron a dû à la toute dernière minute être déplacée au mardi 24 novembre, mêmes horaires, même salle !

Je vous souhaite d'agréables vacances de Toussaint et vous donne rendez-vous à la rentrée, pour une séance en musique avec Feriel Kaddour !